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Journalistes sans frontières
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  • Journalistes en fin d'études, voici un patchwork de nos articles et reportages réalisés. Bientôt nous volerons vers le Mali. Une nouvelle expérience journalistique que nous attendons avec impatience. Ce blog offrira le meilleur de nos travaux.
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21 avril 2008

Au coeur de la corruption

Jusqu'à présent nous n'avions jamais été confronté à la corruption, la vraie, la pure, l'extrême. Désormais c'est fait. cette confrontation nous a profondément choquée. Pas facile pour deux jeunes filles françaises de se sortir de cet engrenage. Vendredi dernier nous avons reçu un colis DHL de nos familles. Un colis empoisonné plutôt ! Nous nous faisions une joie de recevoir quelques bonbons, DVD et habits oubliés lors de notre départ. Nous avons immédiatement déchanté. Ici, il faut procéder par étapes. Tout d'abord nous avons du nous rendre au siège social de DHL à Bamako. Arrivées dans l'enceinte, une femme nous a reçu et nous a fait asseoir près d'un bureau. Disons que le lieu est froid et sans âme. Les gens qui y travaillent sont mous et font semblants de ne pas comprendre lorsque vous demandez des explications. Immédiatement elle sort quelques feuilles agrafées dont un reçu avec une somme de 100 euros inscrite dessus. Bref, elle nous dit que pour pouvoir retirer le colis en question nous devons lui verser 15 000 francs cfa pour les frais de douane du Mali. Après 30 minutes de discussions téléphoniques avec DHL France, et la personne qui nous a fait parvenir le colis via une entreprise française. Elle ne veut rien entendre, "Hugo, le responsable qui est la seule personne habilitée à autoriser la sortie de colis sans frais n'est pas là, je n'arrive pas à le joindre", nous dit-elle. Nous en concluons qu'il est temps de partir, de donner cet argent étant donné que l'énervement de toute part se fait ressentir. Elle donne ainsi ces fameux papiers, accompagné d'un reçu sur lequel est annoté les 15 000 Fcfa et un tampon de DHL Mali. Et là un peu énervée mais si contente d'ouvrir le colis. A ce moment précis on était comme les enfants qui découvrent ses jouets en dessous du sapin de Noel, même regard qui brille de toute part, et même excitation. Une sensation si agréable et simple qui efface toute la rancune d'avoir payé une telle somme pour je ne sais qui, je ne sais quoi, ou plus exactement pour les poches de qui ? Tout s'écroule à nouveau. Elle nous regarde et nous dit : "maintenant il faut aller le chercher à l'aéroport. Dépêchez-vous car officiellement ce service ferme à 17h mais souvent après 16h, tout devient compliqué !" Il est exactement 15h15. 'aéroport est à 15 minutes environ. le problème c'est qu'ici au Mali, tout est relatif, et parcourir 3 km peut prendre jusqu'à une heure. Notre taxi lui est lent, très lent. L'angoisse, le stress revient au galop. C'est bon il est 15h45 lorsque nous arrivons à l'aéroport. Là, nous nous disons que ça y est, nous approchons enfin du but ultime, "Le colis". Malheureusement pour nous, la première étape était la plus simple à franchir. Ici dans ce lieu, c'est l'enfer ! Sous un hangar, des colis par centaines sont empilés les uns sur les autres. Il fait 45 degrés à l'ombre ce vendredi. Nous suons à grosses gouttes, nous sommes fatiguées, épuisées psychologiquement. Et c'est loin d'être fini ! Ils sont 15 dans ce hangar. Nous leur disons que nous venons chercher un colis que notre famille nous a envoyé de la France. Ils regardent les papiers que nous leur tendons. Deux hommes se mettent à chercher dans le tas de colis. Ils en sortent peut-être 10. Et enfin voici le nôtre. Nous n'avons pas le droit de nous approcher. Un autre malien ouvre le colis sans rien dire et une femme vient inspecter ce qu'il y a dedans. Nous qui voulions que ce soit une surprise, c'est raté ! Elle écrit sur un papier bonbons, cassettes. Elle le tend à une autre personne encore qui nous demande de l'accompagner. Interminable, insupportable, infernal on n'en peut plus ! Ce chapitre a pris près d'une demi heure sous une chaleur suffocante. Nous ne savons pas ce qu'il cherche, mais nous sommes prêtes à craquer, à hurler de colère et d'impatience. Nous suivons ce Monsieur qui ma fois ne nous est pas très sympathique. Il a un regard de tueur, il ne nous fera pas de cadeau. Nous nous dirigeons vers d'autres bureaux situés de l'autre côté de la rue. Là il doit y avoir environ 40 personnes répartis dans 4 bureaux, autant dire qu'ils ont besoin de s'entraider. Pour quoi ? Nous ne savons pas, puisqu'il n'y a aucun visiteur sauf nous, les deux petites françaises dépitées. Les gens sont antipathiques, nous pensons que c'est une question de couleur de peau. Nous ne sommes pas trompées. La personne que nous avons suivi jusqu'à ses bureaux nous lance : " vous êtes blanches, vous avez de l'argent, c'est 100 euros pour récupérer votre colis, ce sont les frais de dédouanement". Elodie lui demande à quoi correspond cette somme, nous avons déjà tout payé à DHL et sûrement plus qu'il ne faut. Au vue de notre réaction, il nous fait patienter pendant plus d'une heure passe de bureau en bureau, revient, attend, repart encore et encore. En fait, il pensait que nous allions perdre patience mais rien n'y a fait nous campions sur notre décision, nous ne paierons pas il en est hors de question. Elodie me calme régulièrement, je deviens très nerveuse. Je vais fumer clope sur clope. La situation est complètement incongrue, nous n'arrivons ni à nous faire comprendre, ni à comprendre tout ce ramdam autour d'un colis, notre colis tant attendu. Au bout d'une heure trente d'attente et de désespoir. Un jeune homme d'une trentaine d'années s'approche de nous et nous lui demandons de l'aide car là c'est plus possible. Il est un peu plus pâle que les autres, peut-être pourra-t-il nous venir en aide. Gagné, c'est le bon. Il nous dit qu'il fait parti de la douane lui aussi, qu'il vient de terminer sa journée. Il nous demande ce que l'on fait au Mali. "Nous sommes étudiante pour le quotidien national l'Essor". Okay, vous me suivez, nous allons voir le chef de bureau et nous allons lui expliquer votre situation. J'ai les larmes aux yeux. Moi je vais craquer, lui dis-je. On rentre dans ce bureau. Elodie et ce jeune lui raconte que nous sommes en stage au Mali. La seule chose que le chef nous répond c'est : "pourquoi vous ne l'avez pas dit tout de suite ?". "Et bien si nous avions eu l'occasion de vous le dire, nous vous aurions expliqué tout cela dès le début mais la personne qui nous a amené ici ne voulait pas que l'on vous rencontre" : c'est ce que Elodie et moi nous sommes dit en sortant de ce bureau. Au final il a barré le chiffre 100 et nous a dit "c'est bon, allez chercher votre colis". Quelle délivrance ! De retour dans le hangar avec celui qui a le regard de tueur et le jeune homme au teint un peu plus pâle, nous venons retirer définitivement et sans rien payer notre colis, le bijou tant convoité. Cela évidement comme vous avez pu le constater a pris encore plus d'un quart d'heure. Signature par ci, signature par là. Ca y est on l'a dans nos bras, on le tient bien comme un bébé. On remercie le jeune homme au visage un peu plus pâle. Et là, naïves que nous sommes, nous pensions que son aide était gratuite. Que n'est ni, il nous demande notre numéro de téléphone et dans combien de temps nous serons chez nous. Il veut passer absolument, insiste beaucoup, beaucoup trop. Nous finissons par lui donner un de nos numéros de téléphone avec une puce malienne. Son regard en diait long et depuis nous recevons près de 30 coup de téléphones par jour auxquels nous ne répondons évidement pas. Du reste, nous avons mis plusieurs heures à nous remettre de cette confrontation. Le plaisir que nous devions avoir lors de l'ouverture du colis a été moindre. Nous avons tout de même savouré le plaisir de déguster des bonbons bien chimiques, et des kitkats en guise de consolation. Merci encore à nos familles, sans eux nous n'aurions peut-être pas encore été confronté à la corruption, à l'envers du décor. Une expérience des plus enrichissantes si l'on veut s'intégrer totalement au système malien et se sortir des difficultés de la vie courante plus aisément. Tiphaine
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